Ryusho Jeffus

Pratiques paisibles - 2

18 février 2014


Qui veut exposer ce Sutra,
devra renoncer à jalousie, courroux, orgueil,
à toute pensée de flagornerie et de duperie.
Il s'exercera constamment à la pratique simple et droite,
il ne méprisera pas autrui,
ne tiendra pas non plus d'oiseuses discussions sur les dharmas
ne mènera pas autrui au doute et au regret
en disant: "Tu n'obtiendras jamais l'état de bouddha";
Ce fils de bouddha prêchera le Dharma
avec une douceur et une patience constantes.
Compatissant pour tous,
il ne concevra nulle pensée de paresse.

La troisième pratique paisible est celle de l’esprit, de nos idées, de ce qui s’incruste dans nos pensées, de nos constructions mentales, de nos justifications à nos propres yeux. En d’autres termes, la pratique de l’esprit est celle de l’image que nous nous faisons de nous-mêmes. La première et la deuxième pratique — celles du corps et de la langue — étaient physiques alors que la troisième et la quatrième est le travail intérieur qu’il revient à tous d’accomplir. Bien évidemment, comme vous avez pu le constater, toutes ces pratiques se chevauchent partiellement.

L’essentiel dans ces pratiques, et particulièrement dans celle de l’esprit, est, à mon avis, ce qui génère l’action. Le Sutra dit que nous ne devons pas nourrir de pensées négatives contre les autres et ne pas exprimer nos jugements péjoratifs par des paroles dépréciatives ou décourageantes. C’est aussi une mise en garde contre l’arrogance de se croire plus avancé dans la foi et au-dessus des autres, alors que nous-mêmes sommes encore dans le tâtonnement.

Je pense que c’est une mise en garde contre la discorde dans un groupe ou bien entre les groupes. J’en viens donc à développer mes considérations sur les différentes obédiences du bouddhisme et en particulier des écoles nichiréniennes. Que de fois n’ai-je entendu des questions sur les écoles antagonistes ! Les gens se plaignent qu’il y en ait autant et se demandent pourquoi nous n’arrivons pas à un consensus et une sorte d’unité. Je peux comprendre, dans une certaine mesure, ces interrogations que fait naître l’idée que ce serait mieux si nous étions tous réunis. Mais j’ai de plus en plus le sentiment que toute cette variété de courants est une bonne chose. Tout d’abord, à l’exception du Bouddha, de Zhiyi, de Zhanlan, de Saicho, de Nichiren et, peut-être, de quelques autres, personne n’a saisi l’esprit, l’âme et la vérité fondamentale du Sutra du Lotus. Ce n’est pas parce que nous en percevons quelques vérités que nous en comprenons la totalité.  Nos capacités individuelles à saisir l’intégralité du Sutra sont influencées par nos expériences et notre interprétation personnelle des preuves qui se manifestent dans notre vie. Chacun de nous perçoit juste une parcelle de la vérité. Les différentes façons de pratiquer le bouddhisme sont autant de tentatives pour parvenir à la Vérité fondamentale révélée dans le Sutra du Lotus ; que la personne y croie ou non. Je pense que, même du temps du Bouddha, le Sutra du Lotus contenait toutes les variantes possibles d’évolution et d’individuation. Généralement, nous interprétons le concept des trois chariots comme s’appliquant aux auditeurs-shravakas, pratyekabuddhas et bodhisattvas. Mais même au sein de ces trois grands groupes les pratiquants étaient différents.  J’ai l’impression que par le Sutra du Lotus le Bouddha cherche à nous dire : « Oui, vous avez tous raison dans le cadre de vos limites, mais chaque groupe peut aller plus loin si vous êtes prêts à sortir de votre zone individuelle de confort spirituel. » Il n’impute aucune faute à personne, enjoignant de quitter telle ou telle forme de pratique mais révèle quelque chose d’infiniment plus vaste que la préférence individuelle. 

Je me rends compte que ce que je viens de dire résonne comme un appel à une unification idéale. Mais qui de nos jours parmi nous est vraiment capable d’être suffisamment grand pour accueillir et respecter toutes les personnalités, toutes les approches, tous les vécus qui viendraient se rassembler. En fait, je pense que le bouddhisme se propagera plus rapidement et touchera un public plus vaste si différentes approches offrent à chacun une façon d’entrer dans le bouddhisme là où il veut et de la manière qui lui convient le mieux.  Et pour ce qui est du bouddhisme de Nichiren, j’estime que les appellations spécifiques relevant de la rhétorique et de la prétention de détenir l’absolue vérité sont absurdes et complètement illogiques puisque nous récitons le même daimoku, croyons dans le même Sutra, lisons les mêmes chapitres, vénérons et respectons le même fondateur, Nichiren. Il est vrai que certains courants nichiréniens n’enseignent pas le Sutra du Lotus même s’ils affirment y croire. Il y a aussi ceux qui pensent que, dans un certain sens, Nichiren remplace le Bouddha. Pour ma part, je pense que c’est contraire à l’intention de Nichiren et à l’esprit du Sutra du Lotus, maisrejeter toute autre forme de bouddhisme ou toute autre croyance en Nichiren est autrement plus néfaste pour nous tous. 

Je dis cela par rapport à la troisième pratique paisible qui m’éclaire sur la façon dont nous devons considérer toute personne qui étudie le bouddhisme. Est-ce que personnellement je crois que la récitation de daimoku sert à l’obtention des bienfaits matériels ?  Non. Mais pour certaines personnes cette croyance peut servir de porte d’entrée dans le bouddhisme. Certains ont besoin justement de cette voie pour entrer dans la Voie et commencer à progresser sur le chemin de l’Éveil. Ma façon d’aborder le bouddhisme de Nichiren et le Sutra du Lotus ne convient certainement pas à tout le monde et d’ailleurs n’a pas à convenir car je ne comprends pas tout l’enseignement du Lotus. De nos jours, il en va de même pour tout le monde. Nous pouvons, cependant, montrer plus de respect les uns pour les autres et œuvrer ensemble à la propagation de l’enseignement du Lotus de la façon qui nous est propre.

Il est intéressant de noter qu’au Japon un bon nombre de courants nichiréniens et de différentes branches du bouddhisme s’entendent en fait très bien et comprennent que la diffusion du Dharma doit primer. D’autres ressentent cela comme une menace mais cela me conforte dans l’idée que le véritable danger est de penser qu’un groupe est meilleur, supérieur, plus correct et ainsi de suite. On commence aussi à parler des obstacles à l’unification des différents courants. Je n’en suis pas certain à cent pour cent, mais j’ai l’impression qu’il n’existe pas de religion sans différentes façon de mettre sa foi en pratique. Même les religions aussi monolithiques que l’islam, le christianisme et le judaïsme — les trois grandes croyances non-bouddhiques — ont différentes branches et différentes façon de vivre la foi. Même le catholicisme, au sein de son organisation, accepte diverses approches et philosophies. Il autorise différents ordres monastiques tant pour les hommes que pour les femmes.  Pourquoi ? Il y a tant de façons de vivre, tant d’expériences multiples qui ont fait de nous ce que nous sommes ! Chaque manière d’être permet aux gens de différentes croyances d’entrer dans la foi et de commencer un cheminement spirituel.

Pour en revenir au bouddhisme, le Sutra du Lotus ne dénigre pas la pratique des shravakas, des pratyekabuddhas et des bodhisattvas. Le Bouddha ne dit jamais : « Arrêtez de faire ce que vous faites ! »  Il offre juste quelque chose de plus vaste et c’est cette immensité que nous cherchons tous à atteindre. Tant que nous n’y sommes pas parvenus le Bouddha nous dit de nous respecter mutuellement alors que nous nous engageons sur la Voie.

J’ai toujours des doutes sérieux lorsqu’une personne proclame détenir les réponses à toutes les questions même si je suis prêt à écouter différentes idées et croyances. Mes discussions les plus stériles sont toujours celles avec des personnes tellement rigides qu’elles sont incapables d’admettre que quelqu’un d’autre puisse AUSSI avoir raison. Je sais ce que je crois et ma croyance n’est pas menacée par les croyances des autres simplement parce qu’ils pensent différemment.

Cette pratique paisible nous apprend à faire preuve d’amitié lorsque nous enseignons ou lisons ce Sutra. Pouvons-nous être amicaux en ressentant de l’animosité, de la jalousie, de la colère, en étant déstabilisés et perturbés au plus profond de notre être ? Certains diront peut-être que Nichiren usait de paroles très dures. À quoi je réponds que c’est vrai mais que c’est sa vie qui était en jeu. Qui parmi nous est à sa place lorsque nous discutons avec des pratiquants qui sont d’une autre obédience que la nôtre ? Je suis peut-être idéaliste, peut-être n’est-ce là qu’un rêve. Et alors ? Quel mal y a-t-il à cela ? Je pense que les différentes écoles bouddhistes et nichiréniennes rendent l’enseignement du Bouddha plus vaste. Je trouve merveilleux que tant de personnes pratiquent le Dharma et que ce grand nombre est dû à la grande variété de ses formes. Je suis sûr qu’il y aurait moins de pratiquants pour entrer dans la Voie si tous devaient se conformer à une seule école, ne connaître qu’une seule saveur. Quelle merveille que tant de monde récite Namu Myoho Renge Kyo ! Nous devrions fêter cela et prodiguer tous nos encouragements, considérant que c’est une grande force que des personnes si variées puissent trouver leur place, qu’elles soient les bienvenues et qu’elles pratiquent le Sutra du Lotus.

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